En mémoire de Jacques Poustis

Illustration : .book-e-book

Le 24 avril 2022, Jacques, un compagnon de route des CEMEA de la Réunion s’en est allé.

En 20213, à l’occasion des 50 ans de notre association, il avait accepté de contribuer au recueil de témoignages de militant⋅e⋅s. Nous avons souhaité retranscrire ici l’intégralité de son témoignage.

De 1974 à 1981… mes 7 premières années de « zoreillie » à la Réunion…

… et qui Constituent Évidemment Mes plus Enthousiasmantes Années d’outremer !

Mai 1974 : débarquement de la famille Poustis (La Reine, le Roi et les p’tits Princes) sur la côte ouest réunionnaise. Temps d’installation et d’adaptation de quelques semaines… Encadrement d’une première colo « tropicale » ; contacts amicaux avec un groupuscule d’enseignants férus des méthode (Freinet ; prémices de formations de moniteurs1 pour les centres de vacances notamment initiées par la FOL sous la férule d’un imposant et infatigable organisateur : Alain Gaba.

… Et puis un choc : ma rencontre avec Paul Dupont, missionné par les CEMEA nationaux pour donner un corps et une assise au noyau de jeunes pédagogues réunionnais en herbe qui rongeaient leur frein dans l’attente de germer, de fleurir et d’essaimer.

Si je ne peux dire avec précision le jour de ma première rencontre avec Paul, je peux par contre affirmer que ce fut l’une des plus belles de ma vie. Ceci dû au fait que nous nous retrouvions, malgré notre différence d’âge, sur la même longueur d’onde éducative : « Le rôle de tout éducateur est d’apprendre aux autres à se passer de lui »2… Plaisir aussi de se retrouver chaque fois que possible, en tête-à-tête à son domicile dionysien où nous philosophions « copains/clopant ». Verres de whisky-coca et paquet de Gitanes sur la table agrémentée d’une assiette de « pistaches» régulièrement réapprovisionnée. Et les CEMEA dans tout cela ?… Et bien après les incontournables commérages de mecs (les femmes, la politique…) je vis de suite que c’était l’avenir des CEMEA qui était son obsession.

Paul avait en effet pris très à cœur sa « mission » à la Réunion : faciliter la formation d’un groupe compétent, efficace et stable de jeunes instructeurs mais surtout, avant le terme de son « mandat », construction à Saint Denis d’un local fonctionnel pour les réunions, les formations et l’information.

Il tint parole, et l’âge de sa retraite étant venu, il partit sur la pointe des pieds vivre à Madagascar le reste de son âge. Il y épousa, à Tuléar, une femme malgache qui enfanta de deux charmantes filles.

Paul m’invitait chez lui 2 ou 3 jours chaque fois que mes tournées de spectacles m’amenaient dans le sud malgache. C’est là que j’appris un triste jour (pas par lui, car il n’était pas homme à s’épancher sur son sort) qu’il était atteint d’un cancer irrémédiable.

Nous correspondions régulièrement par courrier. Et puis un jour une lettre m’annonça son décès.

Je mets ma main à couper que tous les « anciens » qui s’engagent aujourd’hui, à pied ou en voiture, dans la rue Monthyon, ont un gros pincement au cœur à la vue du local (hélas aujourd’hui en décomposition) qui fut, comme Paul me l’avoua un jour, « une de ses grandes fiertés ». Mais la vie est ainsi faite : les hommes et les murs passent… Faisons en sorte que les souvenirs ne trépassent.

Voilà-voilà. Si j’ai surtout parlé de Paul, c’est tout simplement parce qu’il reste pour moi l’image emblématique des belles et enthousiasmantes années de la naissance des « CEMEA-Réunion ».

Souvenirs-souvenirs : j’aurais pu aussi parler des chansons, « Vent frais vent du matin », « Ne pleure pas Jeannette », « La cloche du vieux manoir », « A la claire fontaine », « Le galérien », « Santia-a-no », « C’est une maison bleue »… et tant et tant d’autres « classiques-colo » qui unissaient nos cœurs et nos chœurs dans la Maison des Tourelles (ex-Maison de la FOL) de la Plaine des palmistes !

Putain que la nostalgie fait du bien ! Merci Paul pour les belles et enthousiasmantes années que tu as passé à nous aider !

« Bout d’ficelle, bout d’ficelle, bout d’ficell-cell’-cell’… » est une ritournelle à rallonges qui peut ne jamais finir. Un vœu : Que les années 70/80 des CEMEA-Réunion que l’on exhume aujourd’hui, soient les premiers « bouts d’ficelle » d’une exaltante aventure qui, espérons-le, n’aura jamais de fin !

Jacques Poustis, Saint Paul le 13 mai 2013

1 Ainsi disait-on à l’époque…

2Cette phrase que je ramenais de ma fraîche formation à l’école d’éducateurs spécialisés de Bordeaux lui avait plu. Au point qu’elle se trouvait souvent épinglée à un mur, lors des stages encadrés par Paul